50 ans de Toyota

Au milieu des années 60, le marché automobile suisse connaît une croissance frénétique jamais vue. Le fondateur de l’entreprise, Emil Frey, est déjà responsable alors de 400 collaborateurs et collaboratrices. Néanmoins, l’avenir pose un casse-tête au pionnier suisse de l’automobile. Il vient à l’époque tout juste d’atteindre l’âge de la retraite, mais ça n’est pas sa préoccupation première. La finition des Austin anglaises, qu’il importe depuis plus de 25 ans en Suisse, laisse en partie à désirer. De plus, les britanniques, sensiblement plus chères que la concurrence européenne, arrivent souvent avec du retard en Suisse.

En janvier 1946, Emil Frey s’envole avec toute la famille pour des vacances en Afrique du Sud. Chez un collègue agent Austin à Durban, il découvre une marque automobile que ni lui ni son fils passionné d’automobile ne connaissent : Toyota. Avec étonnement, il apprend de son collègue agent que les clients avaient demandé des Toyota à traction intégrale pour les régions montagneuses de l’Afrique du Sud et que les Japonais avaient ensuite livré celles-ci après seulement trois mois. Auprès de ses marques anglaises, Emil Frey a l’habitude d’attendre jusqu’à deux ans pour de telles innovations.

De retour en Suisse, l’idée Toyota ne le lâche plus. Il se penche sur la documentation technique, étudie les gammes de modèles et les prix. Bien qu’il ait appris en Afrique du Sud que Toyota répond non seulement rapidement aux vœux des clients mais que la qualité est aussi constante à un niveau élevé, les voitures japonaises ne sont guère prises au sérieux en Suisse. Emil Frey sent toutefois qu’il doit à nouveau se montrer à la hauteur de son rôle de pionnier de la branche automobile. En fin de compte, il s’agit « d’un tournant possiblement fatidique pour l’avenir de mon entreprise ». Les derniers doutes sont dissipés avec l’essai d’une Corona 1500 qu’il pilote jusqu’en Suisse avec son fils Walter depuis le port de Hambourg. Emil Frey est tellement enthousiasmé par la berline, qu’il brûle déjà de la vendre à un client.

À l’automne 1966, Emil Frey et ses collaborateurs les plus proches s’envolent pour Tokyo. Au pays du Soleil-Levant, il vit non seulement un « choc culturel », mais observe aussi des processus de travail rationnels, une fabrication méticuleuse et des travailleurs assidus. Il n’avait jamais vu une telle productivité « dans aucune usine automobile européenne ni américaine ». Après deux semaines de négociations sur les conditions de livraison et de paiement, la documentation de vente, le traitement des garanties et bien plus encore, Emil Frey signe le 4 octobre 1966 le contrat d’importation. Il est dès lors représentant exclusif des automobiles et chariots élévateurs Toyota pour la Suisse et la Principauté de Liechtenstein. En février 1967, Toyota AG, nouvellement fondée à Adliswil, présente à la presse les premières Corona et Corolla. Le moment était propice.

Simon Bundi

Responsable du musée et des archives